Les avis divergent suivant les sources...

Malaysia Airlines Flight 17Deux heures à peine après l’annonce du crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines ce jeudi 17 juillet à 15h37 (heure belge), la DH.be a souhaité en savoir plus sur l’existence des différentes techniques liées aux missiles sol-air et la faisabilité pour des séparatistes d’en faire usage ou non...


DH : Selon les éléments dont nous disposons et qui restent à confirmer, le tir de missile sol-air aurait été mené à l’aide d’un lanceur Buk. Quelle est cette technologie ?

CGSP : "Un lanceur Buk, de fabrication russe ou ukrainienne, lance des missiles SA-11. Ce sont des missiles sol-air guidés par radar avec un système de semi-guidage. La personne qui tire doit nommément désigner la cible. Le vol MH-17 circulait à 10.000 mètres d’altitude, ce qui est facilement atteignable par le SA-11, qui peut toucher sa cible à 20.000 m.

C’est un missile qui date des années 1980. Il dispose d’une charge de 78 kilos qui explose par fragmentation à l’approche de la cible, un peu comme de la chevrotine. C’est largement suffisant pour détruire une aile ou endommager le cockpit, et ainsi abattre l’avion. Le SA-11 est une arme puissante, multi usages."

DH : L’enquête sera-t-elle difficile à mener ?

CGSP : "L’enquête ira très vite. Si le crash est dû à un missile à fragmentation comme le SA-11, on le verra de suite. De la même manière, si le crash est dû à un attentat mené à l’intérieur de l’avion, on le saura aussi.

Toute la difficulté sera de savoir d’où vient le tir. Deux fêlés peuvent s’être emparés d’un lanceur de SA11 Gad-Fly et l’avoir utilisé."

DH : N’y avait-il pas un risque terrible pour un vol commercial à survoler une zone de conflit ?

CGSP : "C’est extrêmement délicat. Par exemple, quand des Belges se rendent en Afghanistan, ils atterrissent au Tadjikistan et sont transportés vers un vol C130 qui dispose de dispositifs antimissiles. Le pilote du MH17 a pu se rendre compte qu’il était la cible d’un missile, mais quand bien même, il ne pouvait rien faire. Aucun moyen de s’en sortir. Si l’on apprend que beaucoup de compagnies survolaient l’Ukraine, alors c’est de la folie !

On ne sait jamais entre quelles mains peuvent tomber des systèmes d’armes. Les compagnies calculent au litre de carburant près pour rester rentables. Le facteur économique est en jeu, mais c’est un fameux risque qu’ils ont pris."

Armée régulière ou terroriste ?

SA11Pour Pierre Servent, expert militaire et spécialiste des questions de Défense, on a affaire à des professionnels.

P. SERVENT : "À ma connaissance, le type de missile sol-air que possèdent les séparatistes russes ne permet pas d’atteindre un avion à 10.000 mètres d’altitude. Ils ont des missiles du même type que les Stinger utilisés en Afghanistan ou les Mistral français. Ils ont une portée de cinq à six kilomètres.

Par ailleurs, ces missiles sol-air de courte portée qui permettent par exemple d’abattre un hélicoptère ou un avion à très basse altitude, en approche pour se poser, ne demandent pas une importante formation pour être mis en action. Il est assez facile de la dispenser à des combattants un peu futés en quelques jours.

En revanche, pour atteindre un avion à très haute altitude, on ne peut qu’avoir affaire à des batteries de missiles sol-air assez sophistiquées, comme les batteries Crotale en France dont la portée va jusqu’à 45 kilomètres. Là, on a affaire à un personnel professionnel, car il y a un radar d’acquisition, etc. Tout ça ne se fait pas avec quelques séparatistes sur le coin du feu."

En situation « normale »

Selon un spécialiste militaire français employé d'Airbus Group, interrogé par « Le Monde » sous couvert d'anonymat, la mise en œuvre d'une telle batterie relève plutôt de la compétence d'« une armée régulière » que de celle de « pieds nickelés » comme les séparatistes prorusses. Il précise que ce type d'armement mobilise une dizaine de soldats au savoir-faire pointu.

Et en situation « anormale » ?

Rappelons tout d’abord qu’on est dans l’est de l’Ukraine, à 25 km de la frontière russe… et que les deux pays disposent de systèmes d’armes datant de la guerre froide qui sont « un peu » plus sophistiqués que des kalachnikov ou des Stinger !

Les forces russes et ukrainiennes possèdent donc toutes deux des variantes du système Buk, également dénommé « Gadfly » en terminologie OTAN, dont les SA-11 et SA-17. Ces missiles, héritage de l'ère soviétique, qui ont commencé à être produits dans les années 1970, sont encore fabriqués à Oulianovsk, en Russie, par la firme Almaz-Antey et sont capables d'atteindre des cibles à une altitude de 25 kilomètres.

Des séparatistes qui ont servi dans l’artillerie

C’est ainsi que des experts de l'IHS Jane’s relèvent de façon cruciale qu'un lanceur Buk peut également opérer en solitaire. Son radar interne, qui sert normalement à suivre la progression d'une cible déjà engagée, peut être utilisé en mode détection, afin d'engager une cible présente dans son champ de vue. Ainsi, si les séparatistes ont peu de chance de disposer d'une équipe complète pour manier ce système de missiles, ils auraient pu utiliser seul le lanceur de façon rudimentaire. N'ayant pas de vue d'ensemble sur le trafic aérien, ils pourraient ne pas avoir identifié le Boeing comme un avion civil.

Récemment, les séparatistes assuraient avoir saisi des véhicules porteurs de missiles sol-air Buk de type SA11. L'information avait été relayée par plusieurs agences et sites d'information russes. Ensuite, il y a eu cette vidéo publiée sur le site internet du «ministre de la Défense» des séparatistes, connu sous le pseudonyme de Colonel Igor Strelkov (de son vrai nom Igor Guirkine), montrant une épaisse fumée noire et présentée comme celle des restes du vol MH17 après l'impact au sol.

«On vient d'abattre un An-26(1) dans le district de Torez, il traîne quelque part derrière la mine Progress», écrit-il sur son compte Twitter environ vingt-cinq minutes après que le Boeing de la Malaysia Airlines a disparu des écrans radar. « Nous avions prévenu qu'il ne fallait pas voler dans notre ciel ! »

Place à l'enquête

L’enquête, en espérant qu’elle puisse se dérouler normalement, devra déterminer qui sont les responsables, s’il s’agit d’une erreur d’acquisition d’objectif lors du tir ou d’un acte délibéré.

Quoi qu’il en soit, le conflit s’est internationalisé de façon brutale. Les dividendes de la paix en Europe sont de plus en plus de l’histoire ancienne. 

(1) An-26 est le diminutif de l'Antonov 26, avion militaire de conception soviétique. Un avion de ce modèle, de l'armée ukrainienne, avait été abattu par les séparatistes le 14 juin dernier.